HISTORIQUE DE AGRONOMIE ET AGRICULTURE

Le besoin, pour la communauté humaine, de définir les mots n’apparaît qu’à un certain stade de son évolution.
Durant des siècles il y a eu des agriculteurs dont l’activité constituait l’agriculture. Il n’y avait pas de définition mais confusion de l’activité avec les hommes qui la pratiquaient.
Les « règles» de l’agriculture se sont dégagées progressivement à travers de multiples tentatives pour transformer favorablement le milieu naturel et obtenir une production agricole. Le raisonnement consistait alors à savoir reconnaître, au vue de la situation, quelles étaient parmi les solutions déjà « expérimentées » la plus adaptée.
L’attitude d’un Olivier DE SERRE marque une différence, en ce sens, qu’il se pose consciemment le problème d’une amélioration des techniques à partir des propriétés du milieu telles qu’il peut les appréhender.
0 n peut se demander, d’ailleurs, si une telle démarche n’est pas, pour une part, le fruit, pour un esprit curieux de ces. choses, des voyages et donc de la possibilité de comparer ?
Il faut attendre la fin du xvrrre siècle pour voir apparaître des questions et des réponses de nature scientifique. Jusque là la technologie expérimentale est insuffisamment développée ainsi que les disciplines scientifiques indispensables, la chimie en particulier. Au début du xrxe siècle fleurissent toute une série de travaux sur la nutrition des plantes et c’est à ce moment là que naît, bien timidement, l’agronomie. On peut retenir deux événements significatifs.
D’une part, la tentative de synthèse de GASPARIN (illustrée par son Cours d’Agriculture, 1848)parlaquelle il jette les bases du développement de la discipline agronomique. Il essaie de théoriser à partir des faits de la pratique et des « expériences» qu’il réalise pour vérifier des hypothèses. Mais ces dernières sont encore trop frustes et en trop petit nombre pour que sa tentative ne soit pas surtout un effort de cohérence dans son raisonnement. On notera, d’ailleurs, que l’intitulé de son cours est « cours d’agriculture» l.
D’autre part, la mise en place sous la double pression des activités d’un industriel et de la curiosité d’un chimiste du premier dispositif expérimental important, celui de ROTHAMSTED, qui devait vérifier au champ le bien fondé, ou non, des travaux de LIEBIG.
Mais cet essai reste assez fruste, les méthodes statistiques des plans d’expérience ne sont pas encore connues.
Ensuite, pendant une assez longue période va se développer une démarche analytique sans véritable effort pour bâtir une théorie agronomique. On améliore les connaissances dans les seuls domaines permis par les progrès technologiques, c’est-à-dire essentiellement la fertilisation chimique et la sélection végétale.
D’ailleurs, comme les modifications en Agriculture sont alors très lentes l’expérience des agriculteurs aidés par de remarquables observateurs (les ouvrages de HEUZE, de 1862 à 1896, en témoignent) suffit pour dégager les « règles» d’action nécessaires. Sur le plan des méthodes, celles qui existent peuvent suffire aux expériences qu’impliquent la chimie agricole et la fertilisation. Le contrôle des facteurs est ramené au contrôle des apports d’éléments minéraux et on étudie la loi de variation des rendements obtenus. Ces expériences vont d’ailleurs contribuer à l’élaboration progressive des méthodes statistiques au sujet desquelles on note des indications intéressantes, mais combien fragmentaires, dans le cours de SCHRIBAUX l. Ce ne sera qu’avec l’apparition de nombreux progrès technologiques (motorisation et accroissement de la puissance disponible pour les travaux, possibilité d’irrigation par pompage, herbicides chimiques...) qu’il deviendra possible et nécessaire d’aborder plus finement les mécanismes d’élaboration du rendement et donc de réintroduire une démarche synthétique. A nouveau des questions vont être posées et les chercheurs pourront y répondre à mesure que les concepts théoriques seront élaborés et que les moyens de contrôle du milieu s’accroîtront (que l’on pense à l’intérêt actuel d’un outil comme la sonde à neutrons pour apprécier l’humidité au champ...)
Cependant ce mouvement reste jusqu’à la deuxième guerre mondiale assez lent. L’agronomie moderne ne va vraiment naître qu’avec la mise au point et l’emploi systématisé de méthodes nouvelles : ce sont la statistique avec ses progrès très rapides mais relativement récents (statistique des enquêtes, statistique descriptive...) eux-mêmes liés à l’apparition d’outils de calculs nouveaux et les méthodes permettant l’approche globale des problèmes, en particulier l’analyse des systèmes 2.
La période actuelle correspond donc à nouveau pour 1’ agronomie à une démarche synthétique même s’il reste encore bien des précisions à fournir sur le domaine précis de cette démarche.
Il devient maintenant nécessaire de chercher à définir l’agronomie s comme discipline scientifique face à l’agriculture comme lieu et condition de son application.
C’est donc la réflexion sur ces deux mots qu’il importe d’approfondir car, on le verra plus loin, la clarification des liaisons qui existent entre les activités qu’ils recouvrent (la théorie et la pratique) conditionne les progrès futurs de l’agronomie.

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